Avec le chapitre consacré à la Durance, nous avons déjà évoqué les débuts de l’hydroélectricité en Provence et le rôle de la compagnie EELM, jusqu’à la loi de nationalisation de 1946.
L’EELM (1) avait également une forte implantation dans le département des Alpes Maritimes, principalement comme producteur et transporteur de l’énergie électrique.
Ce département est parcouru par des torrents et des rivières au régime nivo-pluvial. Ce sont, principalement, deux fleuves côtiers : la Roya dont l’embouchure est située en Italie, le Var et ses principaux affluents : Vésubie et Tinée, un 3e affluent important : l’Estéron reste une rivière non aménagée, après l’abandon définitif d’un projet de barrage créant une retenue de 65 hm3 à buts multiples.
Deux fleuves côtiers plus modestes prenant naissance dans les Préalpes de Grasse possèdent des aménagements : le Loup et la Siagne, cette dernière alimentée par des terrains karstiques offre des débits sans étiage très marqué.
La Siagne, le Loup, l’Estéron, la Vésubie et la nappe phréatique de la basse vallée du Var fournissent l’essentiel des besoins en eau de la zone littorale, où sont regroupés 95% des habitants du département, soit 1 000 000 et beaucoup plus en période estivale.
Dès la fin du 19e siècle, des pionniers s'étaient lancés dans l’aventure de l’hydroélectricité. Mais contrairement à leurs homologues des Alpes du nord, leurs installations étaient moins spectaculaires, avec des petites centrales fonctionnant au fil de l’eau ou sous des chutes de quelques mètres.
Dans les A.M., le plus célèbre de ces pionniers fut Joseph Mottet, un ferblantier installé à St-Martin-Vésubie, dans l’arrière-pays niçois. A partir d’une génératrice à courant continu de 50 kW qui alimentait son atelier et fonctionnait sous une hauteur de chute de 30m, il eut l’idée géniale de vendre son surplus d’énergie à la commune. C’est ainsi que St-Martin-Vésubie devint en 1893 la deuxième commune rurale de France (après La Roche-sur-Foron) à bénéficier d’un éclairage public fonctionnant à l’électricité. La même année la ville de Nice installait ses premiers réverbères équipés de lampes à arc.
De même que dans d’autres régions de France la première demande "importante" d’énergie électrique est venue des Compagnies de tramway, pour Nice en premier, mais par la suite de tout le département. L’industrie chimique (travaillant pour l’Armée) fut également l’une des premières utilisatrices.
En 1930, 50% des aménagements hydroélectriques qui fonctionnent actuellement étaient réalisés. D’abord entrepris par de multiples sociétés, ces installations se poursuivirent avec l’EELM.
La haute vallée de la Roya (2) était devenue italienne à la suite du retour en France du Comté de Nice, en 1860. Ce sont donc les Italiens qui construisirent les installations hydroélectriques dès le début du 20e siècle. Une bonne partie de la production était fournie à la traction ferroviaire à la fréquence de 162/3 Hz.
(2) Rattachée à la France en 1947.
Il fallut attendre la fin de la seconde Guerre mondiale pour que la deuxième partie des aménagements soit réalisée par Electricité de France.
L’EELM avait, dans les années 20, un important projet (de 120 000 CV) dans la haute vallée de la Tinée, à partir de lacs d’altitude existants. Ce projet est resté sans suite.
Malgré sa production hydroélectrique, ce département a toujours été déficitaire. Pour y remédier l’EELM avait construit une ligne de transport à 120 kV entre le poste de Ste-Tulle (04) et celui de Lingostière, via la centrale de Bancairon. Aujourd’hui cette ligne, longue de 170 km, toujours en service, n’a d’autre utilité que l’évacuation des productions hydroélectriques du Haut-Verdon et de la Tinée, malgré son passage à 150 kV sa forte impédance n’autorise aucun transport supplémentaire.
En 1925, l’EELM mettait en service à Lingostière une centrale thermique pour palier à la saisonnalité de la production hydroélectrique. Avec une puissance totale de 72 500 CV, la centrale comportait 3 turboalternateurs, les chaudières utilisaient un charbon débarqué au port de Nice puis acheminé par convoi ferroviaire de la ligne des Chemins de fer de Provence. Cette centrale a cessé de fonctionner en 1954.
centrale thermique de Lingostière, construction d'une deuxième cheminée
Etat des lieux en ce début du XXIeme siècle
La puissance hydroélectrique installée dans le département est de 320 MW (3), soit environ 25% de la puissance appelée à la pointe. La production annuelle est de 1 000 GWh, soit 15% de la consommation.
(3) En période hivernale la puissance disponible n’est, au mieux, que de 50% de cette puissance installée.
Une ligne de transport 225 kV relie Ste-Tulle au poste de Lingostière, construite il y a 50 ans elle était suffisante (capacité de transport : 400 MW) à cette époque pour assurer la sécurité d’alimentation du département.
Au cours de l’hiver 1987-1988 était mise en service la ligne 400 kV Trans-Carros qui devait apporter une bonne sécurité d’alimentation.
Ce n’est malheureusement pas le cas, cette ligne à deux circuits ( le deuxième est passé récemment de 225 kV à 400 kV) alimente tout le littoral de la Provence jusqu’à la frontière italienne. Sa capacité de transport est suffisante mais en cas d’incident affectant les deux circuits (incendies de forêts), les départements du Var et des A.M. subissent inévitablement des délestages. La règle de sécurité du N-1, qui prévaut sur le réseau de transport n’est pas du tout respectée pour l’Est de la Provence.
(1) Energie Electrique du Littoral Méditerranéen
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